Craignos Covers #5 - Black Sabbath

S’il est un groupe pour lequel j’éprouve le plus profond respect, c’est bien Black Sabbath.
Vétérans du heavy metal, voire pères fondateurs, papy Ozzy et ses compères peuvent s’enorgueillir d’une sacrée carrière et d’une belle longévité. Songez que leur épopée débute tout de même en 1968 !

Toujours présents un demi-siècle plus tard, ils ont encore prouvé avec 13 - leur dernier album en date – qu’ils maitrisaient leur sujet.

L’apport de ces dinosaures est unanimement reconnu, et le Sabbath reste une influence majeure pour pléthore de groupes, des plus anciens aux plus récents, des plus mélodiques aux plus extrêmes.

Nombre de leurs compositions sont devenus des classiques : citons pêle-mêle War Pigs, Sabbath Bloody Sabbath, ou l’incontournable Paranoid.

Cet hommage légitime étant rendu, j’en viens au sujet qui m’occupe, à savoir les pochettes de leurs albums.
Certaines d’entre elles sont plutôt réussies : par exemple celle du premier album éponyme, avec son ambiance gothique / automnale, ou celle de Born Again avec son bébé démon pop-art.

 

 

 

Mais lorsque j’ai découvert les pochettes de leurs albums Sabotage et Paranoid, je suis resté coi.

Sabotage

Commençons par celle de Sabotage, sorti en 1975.
Seigneur, mais quel ratage !

Primo, elle est illogique.
Le reflet dans le miroir devrait montrer les musiciens de dos, et non un doublon positionné selon une perspective approximative. L’arrière de la pochette montre en quelque sorte l’envers du décor, mais refait la même erreur.
Soit l'effet est voulu, auquel cas je n’ai pas compris l’intention artistique ; soit c'est une maladresse, et cette incohérence optique rend le visuel inopérant.

 

Secundo, elle est ennuyeuse.
Les membres du groupe se demandent visiblement ce qu’ils foutent là.
Les moustachus Geezer Butler et Tony Iommi semblent poser pour une photo scolaire.
Hagard, la panse à l'air et vêtu d’un collant rouge laissant deviner son slip (WTF ?!), Bill Ward montre des signes évidents de dépression.
Même Ozzy a l'air de profondément s’ennuyer dans son improbable robe de chambre et ses bottines à talons.

Tercio, elle est moche, tout simplement, aussi bien la photo que la grosse typo rouge bien balourde.

Mais que s’est-il donc passé lors de ce shooting photo ? Quel énigmatique problème de drogue ? Une came de mauvaise qualité ? Un dealer injoignable ?
Au final, si cet album (au demeurant  réussi) mérite son nom, c’est assurément pour sa pochette.

Paranoid

5 ans auparavant sortait l'emblématique Paranoid.
Que dire de cette pochette singulière ?
Observons un temps de silence, le temps de comprendre ce qu’on voit au juste…

La photo est prise de nuit dans les bois, en pose longue ; plus exactement, c’est une superposition de plusieurs poses, qui crée cet effet de flou de mouvement.

Un individu pas très net, accoutré de façon improbable, surgit de derrière un arbre, sabre dressé, menaçant.

Sa tenue mérite vraiment qu’on s’y attarde : un casque (de moto ?), des vêtements colorés qu’on devine faits de lycra, une cape. Un sabre et un écu complètent cet étrange déguisement qui tient autant du chevalier que du super-héros de sentai japonais. On dirait un vilain jouet incarné en humain.

L’attitude menaçante et les yeux exorbités du bonhomme contrastent avec le ridicule de sa panoplie, le rendant inquiétant au final.

Qui est-il ? Quelles sont ses intentions ?
A l’évidence c’est un fou, un psychopathe, un dément échappé de l'asile durant un bal costumé. Le paranoid qui donne son titre à l'album, peut-être. A moins que le paranoid en question ne soit le spectateur de cette étrange hallucination qui confine au bad trip.

En définitive, par le malaise qu’elle instille, cette pochette n’est peut-être pas aussi ratée qu’elle en a l’air…